Droit au logement : pour en finir avec l’enfumage

Publié le par Parti de Gauche 93

Nous reproduisons ci-dessous une tribune parue sur le site www.marianne2.fr, co-écrite par Juliette Prados, Conseillère municipale, Riva Gherchanoc, membre du BN du PG et militante montreuilloise, Jean-Jacques Deluchey responsable logement PG93 et Romain Biessy, responsable de la Commission Logement du PG. Retrouvez

cette tribune sur le site de Marianne.

Droit au logement : pour en finir avec l’enfumage

Alors que débute la trêve hivernale qui empêche toute expulsion locative, le combat en faveur des sans-logis et des mal logés est toujours d'actualité. Des élus du Parti de gauche appellent à ce que la mobilisation continue... 


(Sans-abris à Paris - Wikimedia - Roman Bonnefoy)
«Le logement d’abord », voilà le leitmotiv qui ne cesse d’être rabâché par le secrétaire au Logement dès lors que la question des sans-logis émerge dans le débat public. 

Alors que se multiplient les mobilisations en faveur des sans-logis et des mal logés (le 2 novembre à Bobigny et le 10 à Paris) examinons les faits : 

De toute évidence, la politique publique de l’habitat s’organise en référence à un principe majeur : l’accentuation du désengagement de l’Etat au profit du libre marché. Inspirée du libéralisme économique pur et dur, cette option a produit un vrai désastre. 
Sous l’effet de la spéculation, largement soutenue par des mesures de défiscalisation attractives, les prix du foncier et de l’immobilier ont augmenté de façon notoire dans les bassins d’habitat les moins touchés par le chômage et les zones touristiques prisées. En 2010, les prix de l’immobilier ont encore gagné 17 % à Paris. En moyenne à l’échelon national, les loyers à la relocation ont augmenté de 50% à 130 % au cours des dix dernières années. Conjuguées à la stagnation des salaires et à l’accroissement de la précarité, ces tendances du marché excluent de fait un nombre sans cesse croissant de ménages. 
Le désengagement de la puissance publique a limité la production de logements à loyer réellement modérés à un niveau largement insuffisant. Cette réalité a été masquée par l’annonce de chiffres incluant des logements intermédiaires (type PLS) qui sont en réalité inaccessibles aux plus modestes du fait des loyers pratiqués. En conséquence, les demandes en souffrance n’ont cessé de croître. 1,5 millions de ménages attendent l’attribution d’un logement social. Peu après l’entrée en vigueur du droit au logement opposable, le dispositif s’est très rapidement grippé : la file d’attente des oubliés du DALO s’est allongée. 

Enfin, le développement de la précarité et l’augmentation des loyers ont engendré une nette hausse du nombre d'expulsions locatives ces cinq dernières années. A plusieurs reprises, des villes, en particulier en Seine Saint Denis, ont pris des arrêtés anti-expulsion. Ces décisions salutaires ont été systématiquement attaquées par les représentants de l’Etat auprès des tribunaux administratifs. Jusqu’à présent, les juges se sont rangés aux arguments de la puissance publique et ont annulé les arrêtés. 
Dans ce marasme, le dispositif d’hébergement social a été progressivement submergé. En bout de chaîne, le nombre de personnes privées d’habitat s’est accru. Près de 300 000 personnes seraient concernées. Les bidonvilles et autres installations de fortune ont surgi dans l’espace urbain et les friches industrielles. 
Nous nous trouvons dans une situation dramatique et paradoxale : bien que confirmé par la loi, le droit au logement et à l’hébergement social est quotidiennement bafoué. Cette insuffisance des politiques publiques engendre de multiples drames humains, impacte le développement psychologique et physique des plus jeunes, et entraîne un gâchis social parfaitement inacceptable. 

Lors de la campagne électorale, le candidat Sarkozy avait annoncé l’objectif de « zéro SDF ». Loin de ces promesses, les estimations avancées par les observateurs avertis sont alarmantes : plus de 3,6 millions sont touchées par le mal logement. Au total, près de 10 millions de personnes connaissent des difficultés afférentes au logement.   
Au cours des derniers mois,  les actions de protestations se sont multipliées. En région parisienne, des personnes  et des familles expulsées, sans logis et mal logées ont installé des campements afin de faire valoir leur bon droit : le droit d’être logé ou hébergé décemment. 
En Seine Saint-Denis, les mobilisations de La Courneuve et de Montreuil regroupent plus de 400 personnes, dont de nombreux  enfants. Faut-il s’en étonner ? En proie à la précarité et au chômage, ce département est, par ailleurs, confronté à de graves problèmes d’accès au logement. 
Les  campements installés ne rassemblent qu’une toute petite partie des personnes mal logées ou sans logis de ce territoire. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter les services sociaux, débordés de longue date par les demandes de familles à la recherche d’un toit, ou de visiter les salles d’attente des services d’urgence hospitalier qui, chaque nuit, accueillent, par défaut d’autres solutions, des sans logis.   

A cela s'ajoute la volonté manifeste de l'Etat d'épuiser certaines catégories de population. Les Roms sont ainsi totalement exclus des propositions d'hébergement et d'accompagnement social. Seules quelques initiatives, portées par des communes courageuses, tentent de combler cette déficience. Faute d’autres solutions, ces ménages tentent de survivre dans des bidonvilles précaires, sordides et insalubres. 

Jusqu’à présent, l’Etat n’a proposé aucune solution aux familles mobilisées. A plusieurs reprises, les forces de l’ordre sont intervenues en vue de dissuader les protestataires trop gênants. Dans un Etat de droit, de surcroît sixième puissance économique mondiale, cette situation est tout simplement intolérable. Il est temps qu’un grand changement s’opère. Face à l’urgence, des solutions simples pourraient  avoir des effets rapides, et en particulier : l’arrêt des expulsions locatives, la réquisition des logements et locaux vacants et l’encadrement des loyers du parc locatif privé. 
Au-delà de ces premières mesures, qui apporteraient un réel soulagement, des dispositions  de long terme s’avèrent incontournables. Il est évident que nous devons accroître les budgets destinés à la construction de logements à loyer modéré, afin d’être en capacité de produire au minimum 200 000 unités par an au cours du quinquennat à venir. La réalisation de cet objectif appelle en toute logique la création d’un vrai service public de l’habitat et du logement capable de constituer une réserve foncière suffisante et de piloter ce vaste chantier. 
Ce train de mesures impliquent un réengagement affirmé de l’Etat, tant en matière de construction à vocation sociale que d’encadrement du marché foncier et immobilier. Cette évolution radicale porterait atteinte aux intérêts des spéculateurs et des marchands de sommeils, seuls grands bénéficiaires de la politique menée jusqu’à présent. Il serait illusoire de croire que le gouvernement en place, fidèle protecteur des nantis, s’engage spontanément dans cette voie. 
Le changement souhaité nécessitera une autre politique au sommet de l’Etat répondant aux attentes des forces vives attachées à la dignité humaine et à l’équité sociale. Durant les mois à venir, la constitution d’un front large à gauche soutenant ces mesures prioritaires sera susceptible de provoquer un renversement de tendance et d’abattre l’obstination de la bête gouvernementale qui ne favorise que ceux qui sont déjà les plus aisés. C’est ensemble, élus, militants et citoyens, que nous arriverons à imposer dans le débat public et dans les faits la mise en œuvre d’une politique de l’habitat adaptée aux besoins de toutes et tous.  


Signataires : 

Romain Biessy, président de la commission logement du Parti de Gauche, 
Jean-Jacques Deluchey, responsable logement PG93, 
Juliette Prados, conseillère municipale de Montreuil, 
Riva Gherchanoc, membre du BN du PG, militante de Montreuil.

Mercredi 2 Novembre 2011
Elus du PG - Tribune

Publié dans En Seine-Saint-Denis

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