La lutte des classes existe, je l'ai rencontrée

Publié le par Nathanaël Uhl

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On ne saurait trop vous recommander d'en faire autant !

 

 

La lutte des classes existe, je l'ai rencontrée.

 

 

NathUhl Madame Fleur Pellerin, je suis au regret de vous prendre à défaut. Pour Montreuilloise que vous soyez à nouveau, je me sens le devoir moral d'infirmer vos propos concernant la lutte des classes. Ce n'est pas par plaisir que je le fais, plutôt pour vous mettre à un autre parfum que le numéro cinq de Chanel. J'ai eu l'occasion de la rencontrer, la lutte des classes, à plusieurs reprises dans ma vie. Elle a des noms, elle a des visages, elle a des adresses. Vous pourrez transmettre au résident de la République, si vous en avez le temps.

La première fois que j'ai rencontré la lutte des classes, c'était en 1993. Elle avait le visage de cette femme digne assise dans mon bureau, me narrant par le menu sa descente aux enfers après un licenciement « économique » à 52 ans. Dans l'Allier, à cette époque, il était bien difficile de retrouver un poste de travail à cet âge. Les statistiques me soufflent que ce n'est guère différent aujourd'hui. Cette femme, je l'ai rencontrée qui me parlait, en pleurs, de sa détresse, de la honte qu'elle éprouvait à venir « quémander (sic) »des « secours » auprès des services compétents de la mairie de Montluçon. J'ai détourné le regard : elle ne me donnait pas le droit de pleurer, elle me confiait le devoir de publier son témoignage.

 

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J'ai retrouvé la lutte des classes à l'été 1997 sur le port de Marseille. Elle avait les 300 visages de fiers ouvriers de la Compagnie marseillaise de réparation, la dernière entreprise de réparation navale lourde de la cité phocéenne. Lesquels de 300 se virent, par la grâce d'un plan de reprise, réduits à 110. Quelques années plus tard, le repreneur de 1997 n'en ayant plus besoin livra à nouveau ces métallos au savoir faire reconnu aux bureaux de feu l'Agence nationale pour l'emploi. J'ai hurlé ma rage dans ma chambre vide plus d'un soir de cet été de plomb.


Je retrouve ma vieille comparse la lutte des classes cette année. Elle a encore changé de visage, arborant désormais la trogne souriante malgré tout d'un ouvrier de PSA Aulnay-sous-Bois. Lui et pas loin de 10 000 de ses semblables en Europe vont aller pointer à ce qui est devenu Pôle Emploi. A Aulnay et alentours, vous qui êtes de retour en Seine-Saint-Denis prêtez-y attention, ce sont aussi 10 000 familles qui se retrouvent sur le carreau, puisqu'on inclut les sous-traitants. Parce que le groupe PSA a versé 6 milliards d'euros en 12 anssous diverses formes aux actionnaires. Notez, madame, que le « plan social » que va mettre en œuvre le groupe détenu par les exilés fiscaux Peugeot va coûter plus d'un milliard.

 

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Enfin, je redoute de voir le visage de la lutte des classes l'an prochain. Il pourrait encore changer, quoi que ses effets soient toujours les mêmes. Vos amis les actionnaires devraient voir leurs dividendes augmenter de 5 % en 2013 si les informations boursières sont sérieuses. Ce faisant, Warren Buffet semble bien avoir raison, qui déclarait en 2005 : « Il y a une guerre des classes, c’est un fait, mais c’est ma classe, la classe des riches qui mène cette guerre, et nous sommes en train de la gagner ».

Si Warren Buffet peut se montrer aussi arrogant, plein du mépris de sa classe, c'est grâce à des gens comme vous madame Pellerin. Je vous souhaite de rencontrer un jour la lutte des classes : tenez, sous la forme d'un de ses trois appels sur quatre au 115 qui ne reçoit aucune réponse.

 

Nathanaël Uhl

Publié dans Coups de calcaire...

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